Au cœur du reporting de durabilité de la directive CSRD, la double matérialité, déjà présente dans la norme ISO26000 de 2010, représente un défi pour les entreprises qui doivent à la fois intégrer :

• les enjeux de durabilité susceptibles d’impacter leur performance financière
• les impacts négatifs et positifs de leurs activités sur leur environnement économique, social et naturel

La réalisation de l’analyse de double matérialité revêt un enjeu crucial pour garantir l’exhaustivité et la pertinence du reporting de durabilité. Mais qu’est-ce que la double matérialité ? Quels sont les principes de l’analyse de matérialité et comment l’intégrer dans la stratégie de l’entreprise ? 
 
Notion d’analyse de matérialité
 
Dictionnaire de l’Académie Française : « La matérialité est la qualité de ce qui est matériel. En droit, la matérialité désigne le caractère de ce qui peut faire l’objet d’un constat objectif, de ce qui peut être vérifié : La matérialité du délit ne saurait être contestée. La matérialité des faits. »
Venue du droit, une analyse de matérialité est une analyse de ce qui existe dans l’entreprise et peut être vérifiée.
Il s’agit de croiser :

• la vision des parties prenantes internes sur l’importance des sujets RSE avec
• la vision des parties prenantes externes

afin d’identifier les sujets sur lesquels l'entreprise concentrera ses efforts parce qu'ils auront un impact réel sur son écosystème et sa performance.
 
Qu’est-ce que la double matérialité ?
 
Le concept de Double Matérialité encourage les entreprises à juger la matérialité selon deux perspectives :
 
MATÉRIALITÉ FINANCIÈRE = étudie l’impact des enjeux sociaux et environnementaux sur l’entreprise et sur sa performance économique.
 
MATÉRIALITÉ D’IMPACT = demande aux entreprises d’identifier les impacts significatifs (positifs comme négatifs) qu’elles ont sur l’environnement et la société
 
La Double Matérialité correspond donc à l’impact des activités d’une entreprise sur l’environnement externe et sur la performance financière de l’entreprise.
 
Parmi les avantages offerts par l’application de la Double Matérialité, on peut recenser :
 

• Une meilleure compréhension des risques et opportunités
• Une amélioration de la transparence et de la responsabilité
• Le respect des lois
• L’identification de nouvelles opportunités commerciales
   

Comment appliquer la double matérialité ?
 
Etape 1 : Analyse Interne

• Identifier les enjeux de durabilité
• Recenser les données disponibles
• Elaborer le modèle et les outils d’évaluation
• Évaluer la double matérialité
   

Etape 2 : Engagement des parties prenantes

• Cartographier les parties prenantes
• Définir les outils de la consultation
• Consulter les parties prenantes
• Analyser les données
   

Etape 3 : Consolidation et reporting

• Ajuster l’analyse interne aux résultats de la consultation
• Etablir la matrice de matérialité finale

 
Comment intégrer la double matérialité dans la stratégie de l’entreprise ?
 
Pour intégrer la double matérialité dans la stratégie de l’entreprise, il est nécessaire :
 

• D’impliquer les dirigeants dans le processus d’évaluation de matérialité et de validation afin qu’ils soient au courant des résultats du processus et comprennent quels thèmes sont matériels d’un point de vue financier et d’impact.
• De hiérarchiser les enjeux essentiels à l’activité de l’entreprise à l’aide de la matrice de matérialité
• De décliner chacun des enjeux en engagements et objectifs clairs
• De définir un mode de fonctionnement garantissant la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des actions répondant à chacun des objectifs
   

Quelques chiffres issus du baromètre RSE 2023 de Mazars
 

• En 2022, 83 % des entreprises du panel mentionnaient avoir réalisé une analyse de matérialité au sein de leur DPEF (% stable).
• Pour 77 % d’entre elles, la date de dernière mise à jour est comprise entre 2020 et 2022 (38 % datent de 2022)
• 88 % des entreprises ayant réalisé une analyse de matérialité publient les résultats dans leur DPEF. Pour les 12 % restants, les résultats ont été publiés soit dans un rapport précédent, soit sur leur site internet.
• En 2022, les entreprises ayant communiqué leur stratégie RSE disent s’être appuyées sur divers éléments, tels que leurs valeurs et ambitions (pour 45 % d’entre elles), leur analyse de matérialité (22 %) ou leur modèle commercial (5 %). Et 17 % des entreprises se sont appuyées sur plusieurs outils en complément de l’analyse de matérialité, tels que le modèle économique, l’analyse des risques, une consultation aux parties prenantes ou les ODD.
   

Pour résumer
 
« La double matérialité a été un outil de sensibilisation. Il reste toujours un outil de sensibilisation, même si la direction était déjà consciente des enjeux. La double matérialité doit rester présente dans les discussions en continu. C’est un outil pour comprendre le réel, pour anticiper ce qui peut arriver, et pour adapter l’entreprise en conséquence ». (Philippe RONDEAU, Directeur Développement Durable de Sodebo)